Qu’est-ce que le handicap en 2024 ? Partie 2/2

Qu’est-ce qui définit le handicap de nos jours ? Dans cette partie 2, vous comprendrez pourquoi on emploie de plus en plus l’expression « situation de handicap » et découvrirez en schémas le processus complexe de production du handicap.

Cet article tente de répondre à la question « Qu’est-ce que le handicap ? ». Dans une première partie de l’article, nous avons retracé les premiers modèles du handicap :

  • Le modèle individuel qui considère le handicap comme une caractéristique personnelle
  • Et le modèle social qui considère que c’est la société inadaptée qui crée le handicap

Dans cette partie 2, nous allons étudier la conception la plus récente du handicap, qui considère le handicap dans toute sa complexité.

Le handicap est une interaction

Classification Internationale du Fonctionnement

L’OMS propose en 1981, une Classification Internationale du Handicap. Celle-ci étant basée sur une conception biomédicale, elle est vivement critiquée et retravaillée jusqu’en 2001. La classification qui prend alors le nom de Classification Internationale du Fonctionnement (CIF) est toujours valable aujourd’hui. L’OMS indique via la CIF :

Le handicap se caractérise comme le résultat de la relation complexe entre le problème de santé et les facteurs personnels d’une personne, et des facteurs externes qui représentent les circonstances dans lesquelles vit cette personne.

Définition du handicap extraite de la CIF, OMS

Cette conception suppose donc que le handicap n’est plus une caractéristique individuelle mais bien une situation qui est générée selon certaines conditions.

Modèle du développement humain – Processus de Production du handicap

Dans les années 1980 déjà, l’anthropologue québécois Patrick Fougeyrollas supposait un processus de production du handicap s’appuyant sur l’idée d’interaction entre plusieurs facteurs. Le modèle qui en découle appelé Modèle du Développement Humain – Processus de Production du Handicap (MDH-PPH) mesure sur un laps de temps la qualité de réalisation d’une habitude de vie d’une personne, en fonction de ses caractéristiques personnelles et du contexte.

En observant l’interaction entre ces différentes composantes, on peut en déduire s’il y a ou non situation de handicap. Ce qui est novateur ici, c’est que ce modèle ne s’applique pas uniquement aux personnes avec une particularité mais bien à tout le monde.

PPH : version de 1998

D’abord publié en 1998, le MDH-PPH a été revu en 2010 pour constituer un schéma le plus complet possible.

MDH-PPH : version de 2010

Explication du MDH-PPH

Pour expliquer le handicap, le modèle prend en compte :

  • Les facteurs personnels qui sont des caractéristiques intrinsèques, c’est à dire propres à l’individu :
    • Caractéristiques organiques (intégrité ou déficience du système nerveux, respiratoire, digestif…)
    • Aptitudes (capacité ou incapacité dans l’aptitude reliée au langage, aux sens, aux activités intellectuelles…)
    • Facteurs identitaires (âge, genre, appartenance culturelle…)
  • Les facteurs environnementaux (entre facilitateurs et obstacles) sont bien sûr externes à la personne :
    • Facteurs macro-environnementaux, c’est à dire à l’échelle de la société (système politique, système juridique, système éducatif…)
    • Facteurs méso-environnementaux, c’est à dire à l’échelle de la communauté (transports, commerces, services publics…)
    • Facteurs micro-environnementaux, c’est à dire à l’échelle personnelle (travail, domicile, aides techniques…)
  • Les facteurs de risque et de protection qui peuvent être intrinsèques ou externes à la personne :
    • Facteurs personnels de risque (gêne porteur d’une anomalie, identité socio-culturelle, âge, âge de la mère…)
    • Facteurs personnels de protection (capacité de communication, capacité cognitive, condition physique favorable…)
    • Facteurs environnementaux de risque (barrières architecturales, manque de soutien social, environnement physique bruyant…)
    • Facteurs environnementaux de protection (accessibilité physique et sociale, soutien social, environnement physique favorable…)
    • Facteurs relatifs à des habitudes de vie à risque (tabagisme, sédentarité, mauvaise alimentation…)
    • Facteurs relatifs à des habitudes de vie de protection (gestion du stress, alimentation équilibrée, activité physique régulière…)

Tout cela influence la qualité de réalisation d’une habitude de vie, qu’elle soit courante telle que se nourrir, communiquer, se déplacer, ou qu’elle concerne les rôles sociaux tels que la vie communautaire, l’école, le travail…

Illustration du modèle basé sur le développement humain

Il devient plus compliqué, via cette grille d’analyse, de désigner une personne ayant un syndrome de Down comme « handicapée ».

Schéma du modèle du développement humain.    Facteurs personnels, facteurs environnementaux et facteurs de risque - de protection entourent une silhouette humaine. La silhouette est enfermée dans une bulle qui représente la situation - soit de participation soit de handicap.

En effet, il faudrait que nous ayons connaissance du contexte de la personne et de ses caractéristiques personnelles pour définir si elle se trouve plutôt en situation de participation ou plutôt en situation de handicap. De même, il faudrait désigner une durée d’observation et des habitudes de vie à mesurer.

Contrairement à ce qui peut être évoqué dans le débat public, on comprend que le concept de « situation de handicap » ne peut pas être un statut. Dès lors, parler de « personnes en situation de handicap moteur » (par exemple) est incohérent avec une approche dynamique.

Conclusion

Que répondre à la question « qu’est-ce que le handicap en 2024 ? » ?

Cette question anodine a révélé une multitude de conceptions associées à des politiques qui ont un impact direct sur la vie des personnes concernées.

Ainsi via le modèle biomédical, la société répond à la question du handicap par le soin et l’objectif de réadaptation. Ce modèle n’est pas cohérent avec le respect des droits humains et donc inadapté à notre époque. ❌

Le modèle social fait reposer la responsabilité du handicap sur le milieu inadapté ce qui fait progresser les droits des personnes concernées. Il est très utilisé à notre époque. ✔️

Enfin, le modèle du développement humain est aujourd’hui largement répandu, en particulier dans les institutions ✔️✔️.

Il envisage le handicap comme le résultat d’un ensemble de composants et a engendré la création de nombreux outils pour évaluer la qualité de vie des personnes. Ceci met fin à l’idée que l’individu est responsable de son handicap, et reflète l’idée que si les facteurs environnementaux sont favorables, une personne avec un trouble ou une déficience peut s’extraire de toute « situation de handicap ».


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Sources

Processus de production du handicap

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