« Qu’est-ce que le handicap ? ». Cette question, on ne se la pose pas souvent, et pourtant, elle mérite que l’on s’y intéresse. Si vous rencontrez une personne ayant un syndrome de Down (ou trisomie 21), vous penserez, « voici une personne handicapée », n’est-ce pas ? Dire cela en 2024 n’est pas réellement exact. Selon l’époque, la notion de handicap évolue et aujourd’hui, le concept répandu « situation de handicap » est en effet bien éloigné des modèles passés.
Le handicap n’est plus une caractéristique individuelle
Modèle individuel du handicap
Cette conception, qui utilise une approche biomédicale pour définir le handicap, est réductrice puisqu’elle se base sur une relation de cause à effet :
La maladie ou le trauma entraîne une déficience organique ou fonctionnelle, laquelle entraîne une incapacité, laquelle engendre un désavantage social (ou handicap).
Définition du modèle individuel du handicap
Selon le cheminement de pensée, c’est la maladie qui crée le handicap. À l’origine, le modèle individuel est envisagé à l’issue de la Première Guerre Mondiale. Les mutilés de guerre doivent être ré-intégrés à la société, et pour ce faire, on va chercher à les « ré-adapter » avec de la rééducation ou d’autres solutions techniques et médicales.
Illustration du modèle individuel
Si l’on considère qu’une personne ayant un syndrome de Down est de fait handicapée, on raisonne selon le modèle individuel du handicap.
Limites du modèle individuel du handicap
L’approche biomédicale considère le handicap comme un problème à résoudre
Plusieurs problèmes se posent avec ce modèle. Le premier, c’est de faire reposer la responsabilité du handicap sur la personne. Réduite à l’état d’objet de soin, celle-ci est considérée comme une charge pour la société, et son handicap comme un problème à éliminer. Et voici justement le second problème, une intervention curative n’est pas forcément possible. De même, la personne soignée peut ressortir d’un traitement avec des séquelles et avoir besoin d’aménagements spécifiques pour retourner à la vie ordinaire.
L’approche biomédicale entraîne de la discrimination
Ici, la personne est caractérisée principalement par sa condition physique ou mentale, elle est de fait écartée de ce qui est jugé « normal ». De plus, dans la mesure où elle est perçue comme dépendante des autres, les attitudes négatives sont courantes à son égard. Bien qu’elle contribue à des agissements discriminatoires, l’approche individuelle du handicap s’imposera jusque dans les années 60. L’émergence d’un nouveau modèle dit « social » n’empêche d’ailleurs pas de se référer à l’approche biomédicale, encore aujourd’hui.
Le handicap ne se limite pas à un désavantage social
Modèle social du handicap
Avec l’arrivée du modèle dit « social », on passe d’une conception interne du handicap à une conception externe. Les personnes avec un trouble ou une déficience revendiquent leur droit d’être autonome et demandent une évolution de l’environnement, via la suppression des barrières qui restreignent leur pleine participation à la vie sociale. L’objectif n’est plus de supprimer le handicap, mais de retirer tous les obstacles à l’insertion, car selon ce modèle :
Le handicap est le résultat de l’inadéquation de la société aux spécificités de ses membres.
Définition du modèle social du handicap
Illustration du modèle social
Ainsi, pour reprendre notre exemple, si l’on considère qu’une personne ayant un syndrome de Down est handicapée parce qu’elle ne peut pas vivre une vie sociale intégrée, on est dans un raisonnement « social » du handicap.
Fondations du modèle social du handicap
Introduction de causes externes dans la conception du handicap
Il est intéressant à ce stade de se replonger un instant dans l’histoire. En 1948, aux États-Unis d’Amérique, des premières contributions de recherche sur le handicap s’orientent vers une conception dynamique de celui-ci. L’idée avancée est la suivante, les aspects cliniques ne suffisent pas à expliquer le handicap car la société a un rôle à y jouer. À cette époque néanmoins, les critiques envers le modèle individuel restent rares, jusqu’à l’intervention dans les années 60 d’étudiants de l’Université de Berkley en Californie.
Programme d’autonomie sur le campus de Berkley
En 1960, Ed Roberts est étudiant se déplaçant en fauteuil roulant. Constatant que les étudiants avec une déficience lourde ne peuvent pas avoir de contrôle sur leur propre vie, Ed et d’autres étudiants créent le programme « Physically Disabled Students Program » (Programme pour les Étudiants avec une Déficience Physique). Ce programme, géré par et pour les étudiants avec une déficience ou un trouble, vise à offrir conseils et services au public concerné.
Fondation des centres de vie autonome
En 1972, Ed Roberts et d’autres membres du Programme fondent le « Center for Independent Living » (Centre de Vie Autonome), afin d’aider les personnes avec une particularité à vivre au sein de la communauté et de leur offrir l’assistance dont elles ont besoin. Par la suite, ce centre a servi de modèle pour la création de nombreux centres de vie autonome aux USA, puis dans le monde.
Cet exemple illustre bien le passage d’un processus de normalisation à une logique d’autonomisation et de mise en accessibilité. Néanmoins, ce modèle peut également être considéré comme réducteur puisqu’il tient compte du seul aspect social et omet les autres aspects qui entrent en jeu pour observer la thématique du handicap dans sa globalité.
Nous arrivons déjà à la fin de cette première partie d’article. En seconde partie de l’article, vous découvrirez le modèle le plus récent qui est à l’origine de l’expression « personne en situation de handicap ». Et si vous appréciez les publications de Fair Clair, partagez-les pour devenir à votre tour ambassadeur de l’équité numérique !